POURQUOI A-T-ON TENDANCE À DIRE QUE LA DURÉE DE VIE D’UNE GUITARE N’EST PAS TRÈS LONGUE ?

Eléments de réponse à travers la comparaison guitare / violon.

La différence fondamentale entre la guitare et le violon réside dans l’attaque de la note. L’excitation de la corde est continue avec l’archet alors qu’elle dure un instant pour la guitare. Je dirais alors que la guitare a une caisse de résonance pour faire durer la note et que le violon a une caisse d’amplification.
Toute la construction de ces deux instruments, choix des bois et structure, découle de cette différence. Le Padouk, les Palissandres (le Rio plus que l’indien) et même le Cyprès et le Cédro utilisés pour la guitare ont une durée de vibration bien plus longue que celle de l’érable du violon.


ARCHITECTURE DE L'INSTRUMENT

Répartition des forces de tension : dans la guitare, les cordes sont tendues sur la face de l’instrument. Leur tension exercée entre le manche et la table d’harmonie peut faire fléchir légèrement l’un vers l’autre. Dans le violon, les cordes exercent leur tension sur le cordier ainsi qu’une pression sur le chevalet et la table d’harmonie. Mais cette pression est supportée par une âme (située près du pied, côté cordes aigües du chevalet) qui s’appuie elle même sur le fond. Ceci permet une répartition des forces de tension entre les deux faces du violon.

Orientation du manche : le manche du violon est renversé en arrière alors que le manche de la guitare est traditionnellement un peu incliné en avant au dessus du plan de la table. On peut le voir quand on regarde dans l’alignement du manche vers la table. Ce renversement du manche a pour but de pouvoir garder une hauteur des cordes au sillet du chevalet par rapport à la table d’harmonie qui soit optimale. Mais ce renversement est une faiblesse dans l’architecture de la guitare. Il diminue sa résistance à la tension des cordes et donc sa durée de vie. Dans l’évolution historique de la guitare, ce renversement négatif du manche est devenu nécessaire lorsque l’on a construit une touche plus épaisse, collée par dessus la table jusqu’à la rosace (2ème moitié du 19ème siècle). Avant cela, la touche était dans le plan de la table. Conscient de la faiblesse structurelle due au renversement négatif, je conçois aujourd’hui mes guitares avec un léger renversement positif.


FATIGUE DE LA TABLE

Même si elle est soutenue par un réseau de fins barrages collés à l’intérieur, la table d’harmonie se creuse légèrement devant le chevalet et se relève légèrement derrière. Ces légères flexions la préparent à vibrer, alors qu’une table qui reste indéformable donnera un son sec et retenu.
La table d’harmonie de la guitare est comme une membrane placée sur une caisse de résonance et soumise à la tension des cordes. La table du violon est une fine coque sculptée, soumise à la pression et aux oscillations du chevalet mais soutenue par l’âme. Elle n’est pas soumise à la tension des cordes. On peut donc considérer qu’à la longue, sur plusieurs décennies, le bois de la table de la guitare perd un peu de sa tonicité, de sa dynamique et ceci un peu plus rapidement pour le Cèdre que pour l’Epicéa.
Malgré tout, une guitare de luthier comme la Manuel Ramirez de 1904, table en Epicéa de mon professeur Louis Davalle, a encore une sonorité remarquable malgré les réparations qu’elle a subies.
Finalement, et pour notre plaisir, les guitares qui sont encore en bon état gardent toutes leurs qualités sonores : Simplicio des années 20-30, ou encore Carbonell des années 50-60.